Nous étions très heureux d’être à la UNE de lavie.fr le lundi 29 avril, à quelques jours de notre évènement. Article écrit par Joséphine Bataille. Voir l’article sur lavie.fr


Samedi 4 mai, les couples ayant perdu un enfant peu avant ou après sa naissance sont invités à venir déposer une fleur à Paris, dans le 14e arrondissement, à l’occasion de « Une fleur, une vie ». Un hommage à ces bébés, et une grande journée de sensibilisation au deuil périnatal dont Elisabeth Martineau est l’une des têtes pensantes. Témoignage.

 

Ce sera un immense bouquet. Constitué – à ce stade des commandes – d’au minimum 600 fleurs. Il sera composé brin après brin, ce samedi 4 mai, par des parents rassemblés à Paris pour rendre hommage à leur petit, mort peu avant ou après la naissance. Pour la première fois, des associations d’accompagnement se mobilisent pour une opération de sensibilisation du grand public à la douloureuse question du deuil périnatal. Question taboue, tant elle brasse d’inconnues, donc de peur.

On sait que dans la plupart des pays développés, environ une femme enceinte sur 200 accouchera d’un enfant mort-né, en dehors de complications particulières de grossesse. Même si le risque augmente avec l’âge de la mère, son poids et son tabagisme, le drame, dans 50 % des cas, n’a pas de cause déterminée.

C’est pour qu’ il ait au moins un sens qu’Elisabeth Martineau, l’une des organisatrices de« Une fleur, une vie », cherche à lever le voile du silence, qui renvoie tant de couples à la solitude et à un inévitable sentiment de culpabilité. Cela fait bientôt 16 ans qu’elle chemine pour essayer d’intégrer cette réalité, vécue au corps, que « la mort fait partie de la vie ». « J’ai cru qu’on ne pouvait pas se laisser battre par la mort, que tout cela doit servir à d’autres. »

De son histoire, elle a fait un livre, Surmonter la mort de l’enfant attendu – Dialogue autour du deuil périnatal (Editions de la Chronique Sociale). Un livre-enquête, où le témoignage est mis en perspective par rapport à celui d’autres mères et à la parole de spécialistes. En journaliste qu’elle est, Elisabeth y raconte sa première grossesse. Neuf mois à porter la petite Raphaëlle, et une issue fatale. Puis une succession d’étapes au gré desquelles le temps se décompose et l’histoire s’écrit : l’annonce médicale, les réactions des proches, les paroles qui interrogent ou qui blessent, la rencontre qui sauve – celle du soignant qui projette vers l’avenir –, un accouchement, des obsèques…

« J’ai eu la satisfaction de mettre ma fille au monde comme je l’avais souhaité, de l’accompagner jusqu’au bout. Me rendre compte qu’elle avait un visage, pouvoir la toucher, mettre aussi son nom sur le livret de famille, tout cela m’a beaucoup aidé pour la suite. Elle n’était pas qu’un fantasme », raconte Elisabeth. « J’ai eu de la chance d’être accompagnée, car lorsque cette tragédie survient, vous n’êtes pas forcément conscient de toutes ces possibilités; et le personnel ne sait pas forcément non plus vous informer correctement », déplore-t-elle.

Combattre le silence

Née de parents polonais qui ont connu la déportation, cette Franco-canadienne installée à Lyon s’est appuyée sur la force de ses racines pour se projeter dans l’avenir. Elle n’atténue pas pour autant la violence du néant qu’elle a traversé. « Au début, on a l’impression d’avoir tué son bébé, de n’avoir pas su le maintenir en vie, alors que la femme enceinte est supposée constituer pour lui une forteresse. Pendant des années j’ai fait des listes, pour retrouver ce que j’avais pu faire de mal», reconnaît celle qui depuis, a donné naissance à trois autres filles. « J’ai mis du temps à comprendre que cet enfant avait eu une vie complète, aussi courte soit-elle, que c’était sa vie à elle, et que je n’étais pas responsable de son destin. »

Avec d’autres, Elisabeth a eu l’idée de créer un événement qui n’invite pas encore et à nouveau les parents à « en parler », mais plutôt à vivre quelque chose de concret. « Je crois beaucoup à l’art et à tous ces moyens d’expression qui nous permettent de remettre de la vie dans nos veines, de vibrer, de réaliser des choses à plusieurs. » Le 4 mai, il s’agira de montrer aux couples qu’ils ne sont pas seuls, et de leur permettre de signifier l’existence d’un bébé qui a été bien réel à leur coeur – sont associés aussi les parents ayant pris la décision d’une interruption médicale de grossesse, voire d’une IVG, et qui souffrent de l’absence. Certains traverseront toute la France pour être présents.

« La grande difficulté, c’est que personne n’a connu le bébé. Seule la mère l’a senti bouger, et le père l’a rêvé. Pour l‘entourage, il ne s’agit presque pas d’une vraie vie, ils imaginent qu’on peut faire comme si ça n’existait pas, qu’il vaut mieux se taire et laisser passer le temps…», note Elisabeth. « Cet événement, parce qu’il est public, peut être libérateur. Il pourra servir, je l’espère, de prétexte aux gens pour aborder le sujet. Il faut arrêter de faire silence. »

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